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Instruire le tir

Les cibles pour les professionnels

By 19 mars 2020mars 27th, 2020No Comments
Travail de l'image de la menace à travers une fenêtre

Partie 2 : le monde pro

La ciblerie humanoïde

Un brin d’histoire sur l’instruction du tir

En 1947, Samuel Lyman Atwood Marshall (aka SLAM) publie un livre intitulé « Men Against Fire : the problem of battle command ». Cet ouvrage va bouleverser l’instruction du tir au sein de l’armée américaine, puis des armées occidentales pour finir par influencer les forces de l’ordre et ce jusqu’à nos jours ! Le Brigadier Général Marshall est un historien militaire qui a participé à l’expédition américaine au Mexique contre Pancho Villa, à la première guerre mondiale, à la deuxième aussi et finalement à la guerre de Corée. Au cours de son travail d’historien au profit des armées, SLAM a recueilli des centaines de témoignages de soldats ayant été au feu et il a essayé de synthétiser ces expériences de combat dans un ouvrage. Ses conclusions ont fait l’effet d’une bombe.

Selon lui, aux sorties de la deuxième guerre mondiale, environ 74% des soldats engagés au combat n’utilisaient pas leurs armes pour engager l’ennemi. Sur une escouade de 10 hommes, en moyenne, moins de 3 soldats auraient tiré sur l’ennemi et cela indépendamment du temps de service, du nombre de mois de combat vu et vécu, ou même si l’ennemi est sur le point de déborder leur position… L’armée américaine prend ces conclusions particulièrement au sérieux et lance une profonde refonte de son système d’instruction avec, entre autres modifications :

  • l’utilisation de cibles humanoïdes au lieu de cibles sportives dans les exercices de tir ;
  • la pratique et l’entraînement des militaires d’une façon réaliste et immersive ;
  • la répartition de la responsabilité de l’acte de tuer sur l’ensemble du groupe ;
  • le transfert de la responsabilité de tuer à une figure d’autorité, c’est-à-dire au commandant et à la hiérarchie militaire[1].

Durant la guerre de Corée, le taux de tir des soldats augmente autour des 45% et au Vietnam il dépasse les 90% !!!!!!!!!

Un tournant dans la formation

Les forces de l’ordre se lance aussi dans cette mutation « fantastique ». La France ne fait pas défaut et nos forces de l’ordre se laisse influencer par leurs homologues américains. Pour apprendre à tirer sur des hommes cela commence par travailler avec une image réaliste de la menace et donc d’utiliser des cibles avec des formes humaines.

Ce que l’histoire semble ne pas vouloir retenir, stupéfiés que nous sommes par une telle réussite, c’est que S.L.A. Marshall a largement truqué ses recherches. Son travail est globalement un mensonge et cette supercherie est connue depuis la fin des années 80 mais cela n’a pas eu de conséquence sur cette « révolution » dans l’instruction du tir. Nous y reviendrons probablement un jour, dans un autre article, car cette métamorphose n’est pas sans conséquence sur le combattant qu’il soit militaire ou membre des forces de l’ordre mais c’est une autre histoire.

L’image de la menace

Le stimulus ou l’engagement de l’arme

Les professionnels utilisent donc une ciblerie qui fait la part belle à l’immersion sensorielle, enfin tout du moins visuelle. Je ne vais pas aborder les simulateurs divers et variés car ce n’est pas le propos de cet article. Il faut préparer nos combattant à vivre à l’entraînement ce qu’il pourrait rencontrer lors de leurs missions. A l’image de la vaccination, une sorte d’immunisation préventive par injections douces et répétées de l’enfer, largement édulcoré, de ce qu’ils pourraient éventuellement vivre.

C’est le fameux « train like you fight » qui diverge un brin de ce qu’aurait dit le Général George S. Patton à savoir « you fight like you train » mais est-ce important ? Finalement peu. Patton n’était pas le plus raffiné des officiers supérieurs américains, c’était un homme qui parlait plus avec ses tripes qu’avec son cerveau ce qui lui a permis de faire de grandes choses mais surtout d’être mis à l’écart de commandements important pendant et, surtout, après la seconde guerre mondiale. Parce qu’il était plus un pitbull qu’un labrador, il a inspiré et inspire toujours des générations de « combattants » avec sa fameuse phrase qui voudrait qu’il faille s’entraîner comme l’on combat. Est-il important ici de préciser qu’il n’est pas nécessaire de se faire tirer dessus pendant un entraînement pour apprendre à riposter et encore moins à tirer ?

Cibles professionnelles diverses et entrainement au tirPour les cibles humanoïdes en haut à gauche, elles sont réservées aux seuls professionnels. Vous pouvez vous les procurer en écrivant à armis.utor@protonmail.com.

Le tir ou le travail des fondamentaux

Il est intéressant ici de s’attarder sur la notion même d’apprentissage du tir. Selon la définition du Centre Nationale de Ressources Textuelles et Lexicales du CNRS, « tirer » revêt un ensemble de définitions et, sans être exhaustif, celles qui nous intéressent peuvent se résumer à :

  • asséner un coup ;
  • faire usage d’une arme à feu ;
  • chercher à atteindre un but avec une arme.

Donc si « tirer » c’est utiliser une arme, il y a aussi et surtout une notion d’efficacité qui est importante. Une manière plus caricaturale de le dire serait :

« Tirer c’est toucher sinon cela s’appelle faire du bruit »

Un philosophe moderne, PP.

Partant de là, il semble possible de dissocier l’apprentissage technique de la finalité tactique. C’est ce qui nous a permis de définir, en avril 2014 dans le magazine Cibles (p 57), que, selon nous, le tir de combat se caractérisait par trois éléments distincts :

  • un équipement professionnel ;
  • une ciblerie humanoïde ;
  • un but tactique.

Mais alors sans la bonne ciblerie, est-ce qu’un professionnel ne peut plus s’entraîner ? Heureusement que non ! L’absence de cible « professionnelle » ne doit en rien être un frein à l’entraînement du tir. A ce stade, la problématique est exactement la même que pour le citoyen, il faut un programme et un brin de créativité et d’imagination. Vous souhaitez travailler quoi ? Dans quel contexte ? A titre d’exemple, nous avons des moniteurs ENIT, professionnels armés, qui se sont retrouvés à devoir trouver une solution alternative justement aux cibles conventionnelles police. Ils ont donc abordé ce problème par l’aspect, non pas tactique, mais par une approche purement technique car leur besoin était justement de pouvoir évaluer le niveau de leurs collègues.

Le challenge a été la notion d’acceptabilité par leurs pairs car la ciblerie est fortement liée à la culture des armes dans notre pays mais aussi dans les institutions. Pour cela ils ont du faire preuve de pédagogie et leurs collègues ont eu l’intelligence d’être suffisamment ouvert d’esprit pour permettre une convergence vers une solution qui fait aujourd’hui l’unanimité : la feuille A4.

Transposition de l'image de la menace en cibleAdaptation d'une ciblerie professionnelle afin de poursuivre l'entrainement

Cible ou pas il faut s’entraîner

Ce qui est important ici ce n’est donc pas la ciblerie mais bien ce que vous avez décidé de faire comme exercice. Jamais, jamais, jamais, vous ne devez remettre à demain un entraînement car vous n’auriez pas la bonne cible. Avec un minimum de matériel vous êtes parés pour faire face à toutes les situations envisageables.

Matériel nécessaire afin de mettre en place n'importe quelle cible pour apprendre, entrainer ou tester des compétences

Cela fait sourire car ce matériel « high tech » fait plus penser à un atelier de collage qu’à un entraînement de tir mais finalement, ce qui manque, ce n’est pas les cibles, ce sont les idées.

La cible n’est qu’une infime partie de l’équation, vous êtes tout le reste.

[1] voir l’expérience Milgram : https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram